Interview de Stéphanie Chasserio, Professeur associée – Directrice d’académie, Skema Business School

Stephanie Chasserio est professeure de management . Ses sujets d’intérêt sont les pratiques de gestion des ressources humaines, les modes d’organisation du travail et les théories des organisations.

Ses recherches portent actuellement sur les femmes entrepreneures ainsi que sur la qualité de vie au travail et sur les risques psychosociaux liés à l’organisation du travail.

Elle est co-responsable de la Chaire Femmes et entreprises/ women in business créée à SKEMA.

La féminisation des effectifs, l’égalité professionnelle femmes-hommes… Ces ambitions passent par la mobilisation de tous et toutes, et en particulier des entreprises. Où en est-on aujourd’hui ? Auriez-vous quelques chiffres à nous donner ?

Il est certain que le sujet mobilise aujourd’hui comme jamais par rapport à ce que nous connaissions il y a encore quelques années. Pour autant, le passage à des actions significatives pour faire bouger les lignes semble plus difficile. La prise de conscience ne se traduit pas toujours en action. Ainsi, les chiffres relatifs à la présence des femmes dans les plus hautes sphères de responsabilités bougent très peu et les écarts salariaux ne diminuent pas ou très peu (se référer à la récente enquête de l’INSEE édition 2022[1]). Même si, en France, les dispositifs législatifs ou règlementaires se multiplient comme avec l’index égalité depuis 2019[2], pour autant on n’observe pas de réduction majeure des inégalités femmes hommes. Ce constat de relative stagnation est également présent dans d’autres pays comme les Etats-Unis où l’on craint même un recul de la présence des femmes sur le marché du travail[3].

Comme la parité et la place des femmes sont des défis importants dans le capital-investissement, France Invest et Skema Business School ont créé des formations spécifiques afin de soutenir la volonté de France Invest de féminiser les effectifs et de briser le plafond de verre ? Pouvez-vous nous présenter ces formations ?

Ces parcours dédiés aux femmes visent plusieurs objectifs. Dispensés par SKEMA, ces parcours permettent l’acquisition de compétences managériales, de techniques d’animation d’équipes et d’expertise sur des sujets business pour accompagner les femmes dans leur progression professionnelle. Ensuite, ces séminaires offrent aux femmes un espace dédié où elles peuvent échanger et partager sur leurs expériences professionnelles sans craindre le jugement d’autrui. Elles offrent un cadre de sécurité propice à l’apprentissage mutuel. Les sciences de l’éducation ont largement documenté l’aspect positif du partage entre pairs pour l’apprentissage. Toutefois, il faut souligner que mieux former les femmes à la prise de postes à responsabilité n’est nullement suffisant pour briser le plafond de verre. Ce serait faire porter aux seules femmes la responsabilité de cette situation, ce qui n’est évidemment pas le cas. La réflexion sur l’égalité professionnelle doit dépasser la logique individuelle pour aller vers une analyse approfondie de l’organisation, de ses processus, de ses valeurs pour aller comprendre les causes systémiques des inégalités. Cela passe aussi par la formation des hommes de l’entreprise au sujet des inégalités. Former seulement les femmes ne permettra pas de résoudre l’équation des inégalités.

En quoi la formation est-elle un levier formidable pour accompagner les femmes de la profession à adopter une posture de leader, à les encourager à évoluer vers des fonctions plus importantes dans l’entreprise et les aider à accéder à des postes à responsabilités ?

Comme je l’ai indiqué précédemment, les formations dédiées aux femmes ne peuvent constituer qu’une partie d’un dispositif de lutte contre les inégalités et les discriminations. On peut former les femmes à prendre des postes à responsabilités, encore faut-il que les hommes en place acceptent justement de leur céder la place ! Toutefois, ces formations peuvent contribuer significativement à accompagner ces femmes dans leur parcours de carrière au sein de l’entreprise. Elles servent clairement de lieu d’acquisition de nouvelles compétences par les contenus dispensés et par les partages entre pairs. Les études montrent également que ces moments entre pairs ont une réelle valeur ajoutée en termes de renforcement de la confiance en soi et de l’estime de soi. Elles développent également l’acuité des femmes elles-mêmes à détecter les situations d’inégalité dont elles ont fait elles-mêmes l’objet ou qu’elles observent autour d’elles. Certaines deviennent ainsi des agents de changement sur la question de l’égalité femmes hommes. Enfin, quand ces sessions sont organisées dans une même entreprise ou dans un même secteur d’activité, il y a la formation d’un réseau aux très forts liens qui peuvent effectivement contribuer dans la progression de carrières et l’accès à de nouveaux postes à responsabilité.


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047789?sommaire=6047805

[2] https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/etude-de-terrain-qualitative-sur-la-mise-en-oeuvre-de-lindex-de-legalite

[3] https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace

Pour aller plus loin, rejoignez la prochaine promotion du parcours Parité et performance co-organisé avec Skema Business School. Toutes les informations sont ici