Interview de Cyril Demaria, Consultant indépendant et Professeur Affilié à l’Edhec, Formateur chez France Invest

« Le capital-investissement se caractérise par une forte créativité, lançant fréquemment de nouvelles stratégies d’investissement, défrichant de nouveaux secteurs et explorant de nouvelles thèses d’investissement ».

Cyril DEMARIA, Consultant indépendant et Professeur affilié à l’EDHEC , Formateur chez France Invest.

🔸Comment expliquer que le capital-investissement a autant le vent en poupe et est devenu un acteur incontournable du financement des entreprises ? 

Plusieurs facteurs contribuent au succès du capital-investissement. Tout d’abord, c’est une source d’investissements attractive, riche et diversifiée. Il y a plus de 400 millions d’entreprises non cotées dans le monde. 48’000 sont cotées en Bourse. L’univers d’investissement non coté est très large, et il est possible de financer les sociétés non cotées de leur naissance (capital-risque), lorsqu’elles sont de jeunes adultes (capital-développement), matures (capital-transmission) ou malades (capital-retournement). Cela n’est pas possible sur le marché coté. Ensuite, il est possible d’investir dans des secteurs non représentés en Bourse, allant des nouvelles technologies aux niches industrielles, en passant par les services spécialisés. Enfin, le capital-investissement est un accélérateur de la transformation des entreprises, pour les adapter aux enjeux et défis en permanent renouvellement. La Bourse répond à une problématique de financement spécifique. Nous travaillons en symbiose avec cette dernière : le capital-investissement est le lieu où l’on transforme les sociétés pour les doter des atouts nécessaires à leur succès. Cela les rend beaucoup plus performantes et attractives, et donc génère des profits substantiels. Les investisseurs y déploient donc des sommes croissantes.  

🔸Comment s’est comporté le capital-investissement pendant avec la crise ? Y a-t-il eu des bonnes surprises ?  

La crise de 2020 a démontré que le capital-investissement était une source de résilience pour les entreprises non cotées. Les gérants sont intervenus très vite pour prendre la mesure des problèmes. Ils ont travaillé avec l’encadrement des sociétés dans lesquelles les fonds ont investi pour mettre en place des plans de secours, quand cela était nécessaire. Cette agilité est unique dans le monde financier. Elle a contribué à saisir des opportunités, faire face aux difficultés et sauvegarder les entreprises, et protéger les emplois, les clients et fournisseurs. Les études académiques ont montré que, d’une manière générale, en 2008 les sociétés non-cotées financées par le capital-investissement avaient pu compter sur les fonds pour les aider à réagir, trouver des financements et continuer à se développer. En ce sens, 2020 a confirmé cette impression, et illustré la valeur et l’utilité des gérants au coeur de la tempête.

🔸Comment voyez-vous le capital-investissement demain ? 

Le capital-investissement se caractérise par une forte créativité, lançant fréquemment de nouvelles stratégies d’investissement, défrichant de nouveaux secteurs et explorant de nouvelles thèses d’investissement. Je pense que cette créativité va se poursuivre, et que le secteur va continuer à attirer des sommes croissantes à investir. Par ailleurs, le secteur fonctionne de manière croissante comme un système intégré de financement : des jeunes pousses (start-ups) atteignent une forme de maturité et sont rachetées dans le cadre d’opérations de capital-transmission. Les sociétés peuvent faire l’objet de plusieurs opérations successives de transmission (leveraged buy-out) avec un projet spécifique de création de valeur à chaque étape. En ce sens, le secteur est appelé à prendre une place croissante dans le monde du financement des sociétés, toujours en symbiose avec la Bourse. Toutefois, il n’est plus question d’être dans l’ombre de cette dernière : le capital-investissement est appelé à devenir un pôle de financement à part entière, avec ses règles et son savoir-faire. Cela devrait contribuer à stimuler fortement le monde des entreprises et l’économie en générale. Le capital-investissement a donc un rôle majeur à jouer, mais doit encore apprendre à assumer pleinement ce rôle – notamment dans ses relations avec les législateurs nationaux et internationaux, avec les représentants des salariés, et plus largement dans sa communication auprès du grand public.