Interview de Emmanuel Parmentier, fondateur et managing partner et Clémence Laurencel, consultante sénior chez Indefi

Emmanuel Parmentier, fondateur et managing partner chez Indefi

Emmanuel Parmentier est fondateur et Managing Partner de l’activité finance durable du cabinet de conseil Indefi reconnu pour son expertise dans les métiers de la gestion d’actifs, cotés et non cotés en Europe. Depuis 2011, Indefi est pionner dans le conseil sur le développement et la mise en œuvre de stratégies ESG/sustainability différenciées auprès des gestionnaires d’actifs.

Clémence Laurencel, consultante sénior chez Indefi

Clémence Laurencel est consultante Senior dans l’équipe finance durable d’INDEFI. Clémence intervient régulièrement sur les sujets Climat et Biodiversité et a été formée sur les outils de mesure d’impact sur ces deux thématiques (Outil Global Biodiversity Score® de CDC Biodiversité, Méthode Bilan Carbone® de l’ADEME).

France Invest est mobilisée depuis de nombreuses années sur l’intégration des critères ESG dans les démarches d’investissement. En quoi la biodiversité est-elle devenue une préoccupation phare pour les investisseurs aujourd’hui ?

Depuis plusieurs années déjà, la communauté scientifique nous alerte : la biodiversité est menacée. Et ce constat est alarmant, car la menace qui pèse sur le bon fonctionnement des services que nous rend le vivant, mets en péril de très nombreuses activités économiques qui en dépendent.

Pour les investisseurs français, qui se préoccupent de nombreuses problématiques ESG urgentes telle que la crise climatique, la biodiversité a pu être d’abord peu (pas) prise en compte.

Pourtant, cet enjeu majeur est en réalité intimement lié à d’autres défis de notre économie : en interrogeant les problématiques de risques dans la supply chain, de pollution plastique ou encore de déforestation par exemple, nous touchons directement aux enjeux de perte de biodiversité. Il est aussi essentiel de comprendre que la biodiversité est notre meilleure alliée pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Il s’agit d’un nouveau défi à comprendre et intégrer pour les investisseurs. En effet, ces derniers ont un rôle prépondérant à jouer face à la dégradation de la biodiversité ; qui représente un risque significatif pour l’économie et le système financier. On estime que 55% du PIB mondial dépend directement des services écosystémiques.

Selon le principe de double matérialité, les portefeuilles d’investissement sont exposés à cet enjeu du point de vue i) des risques pesant sur les actifs, le bon fonctionnement des activités reposant sur l’intégrité de la biodiversité, mais également ii) des impacts, liés au financement d’activités générant des pressions sur la biodiversité.

Il faut également noter que le régulateur vient donner un coup de pouce à cette prise de conscience, en proposant une approche similaire à celle adoptée pour le climat, d’intégration, de mesure d’exposition et de stratégie d’alignement avec des objectifs de sauvegarde de la planète. A ce jour, les investisseurs sont directement impliqués à travers une obligation de reporting vis-à-vis de la prise en compte de cette préoccupation phare qu’est la biodiversité.

Intégrer la biodiversité dans ses décisions d’investissement, est-ce aussi simple ? Auriez-vous des exemples de bonnes pratiques à nous partager ?

Les acteurs que nous accompagnons ont travaillé au travers de leurs engagements en matière de finance durable à l’intégration ESG et Climat tout au long du cycle d’investissement. Or, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont deux crises intimement liées, en témoigne le rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES publié en 2021 traitant de ces deux problématiques. 

Forts de ces acquis, les investisseurs sont appelés à capitaliser pour intégrer les questions de biodiversité à la façon dont ils travaillent le climat : Elargir le champ d’action, progressivement, et avec ambition.

Selon nous, les investisseurs disposent de plusieurs leviers d’action pour travailler la biodiversité dans leurs stratégies d’investissement :

  • Apprendre et collaborer : Un certain nombre d’investisseurs se sont organisés pour échanger leurs bonnes pratiques au sein d’initiatives dédiées, afin de permettre et encourager des actions concertées sur ces enjeux, face à l’ampleur de la tâche.
  • Engager les actifs dans les transitions : S’il y a encore un certain nombre de choses que nous ne savons pas sur la biodiversité (e.g transposition de la mesure d’impact biodiversité pour le monde financier, scenario de risques de transition,) il n’est jamais trop tôt pour agir. De nombreux leviers sont déjà inscrits dans les stratégies dédiées biodiversité des investisseurs : exclusions, intégration, engagement. Les acteurs du capital-investissement en particulier bénéficient d’un positionnement unique pour susciter une action efficace et pertinente de la part de leurs entreprises investies.
  • Financer des solutions : Enrayer la perte de biodiversité ne suffit pas : nous devons l’inverser. A cet effet, de nouvelles initiatives mondiales pour orienter les flux financiers en faveur de la biodiversité se multiplient. Et de nouvelles offres de produits dédiés à la préservation et la restauration de la biodiversité se développent.

La préservation de la biodiversité et l’enrayement de la 6e extinction de masse vont nécessiter des efforts importants et du temps, il est donc urgent d’agir dès maintenant. C’est d’ailleurs le message principal diffusé lors de la COP 15 sur la Biodiversité qui s’est tenue fin 2022 au Canada. Dans notre intérêt sur le long terme, nous devons dès à présent œuvrer à réimbriquer nos économies dans le vivant.

Vous animez une formation Biodiversité, un enjeu prioritaire pour le capital-investissement pour l’Académie France Invest. Que souhaitez-vous transmettre lors de cette formation ?

Cette journée de formation a été pensée pour répondre à plusieurs objectifs : sensibiliser, comprendre et appliquer, partager les bonnes pratiques.

  • Sensibiliser pour agir : Il s’agit de clarifier les concepts liés à la Biodiversité ainsi que les liens entre Biodiversité et Finance, afin que tous les participants aient une compréhension juste et commune de ces concepts. Nous prévoyons de débuter par une Fresque de la Biodiversité, atelier collaboratif pour découvrir les enjeux de la biodiversité.
  • Comprendre et appliquer : Il s’agit de détailler les risques et opportunités liés à la Biodiversité pour le secteur financier, connaître les attentes des parties prenantes (LPs et régulateur) en la matière et présenter les outils et leviers d’actions usités par les investisseurs pour permettre la mise en action. 
  • Partager les bonnes pratiques : Plusieurs études de cas concrets seront présentées afin que les participants reçoivent les outils et exemples pertinents pour agir à leur tour dans leurs organisations respectives.

La biodiversité est un enjeu qui nous concerne tous, à très court terme. Et les acteurs financiers doivent s’en saisir pour construire des stratégies d’investissement responsables pérennes.

Pour aller plus loin, suivez la formation proposée par France Invest. Le lien est ici